- 1910 -

- Louis Salmon au Moyen-Orient -

- Le 2 février 1910 : lettre à son frère. Nous sommes en train de faire notre inventaire et ceci nous donne bien du travail. Je lis tous les jours dans les journaux de Paris les détails sur les inondations. C'est vraiment terrifiant et je ne peux me représenter Paris sous l'eau.
J'ai des nouvelles de Champagne et il parait que l'on y a jamais vu la Seine aussi haute. Il est dommage que je ne puisse vous envoyer un peu de notre soleil. Nous sommes en effet comme au printemps avec une moyenne de 15 °, seulement un peu de pluie de temps en temps. As-tu vu la comète ? Nous la voyons tous les soirs depuis une dizaine de jours. Je continue à m'ennuyer le moins possible. Je prends des leçons de danses, mais n'ai pas l'air d'avoir beaucoup de disposition. Tous les mardis, je suis en soirée chez une famille française, le dimanche chez une autre et ainsi de suite. Nous nous amusons beaucoup. Mardi Gras prochain nous devons tous être masqués. Je me fais faire un costume d'incroyable, le pantalon collant en toile à matelas et le frac en toile japonaise aux sujets amusants. Pour l'entrée, je serai en explorateur du pôle Nord, ce sera très simple, je n'aurai qu'à mettre une fourrure à l'envers. De plus, nous préparons une revue. Bref, tout va bien.
Comme événements, nous avons eu l'incendie du Parlement qui a beaucoup fait causer, l'enquête n'a encore donné aucun résultat, mais tout le monde dit que cela a été fait exprès. Les affaires de Grèce ne marchent pas. Il y a aussi beaucoup de froissements entre Turcs et Bulgares et bien des personnes entrevoient une guerre prochaine.

- Le 6 avril 1910 : lettre à son frère. Je suis convoqué à Annecy, pour ma période militaire, le 17 de ce mois, mais j'ai demandé un sursis jusqu'à la fin de l'année. Je crois que j'obtiendrai facilement de la faire à Fontainebleau ou à Paris, surtout que je vais spécifier que je reviens spécialement en France pour ma période. Je pense partir fin juillet ou début août. Je partirai d'ici par bateau des Messageries Maritimes de façon à visiter Smyrne, Athènes et Naples. Le voyage dure 8 jours.
Je quitte la ville à la fin du mois pour retourner à la campagne. Les réceptions sont terminées et l'on songe à l'été. Je t'envoie des photos.
Le lundi de Pâques, nous avons fait notre première promenade à la campagne. J'ai beaucoup joué au tennis.
Nous avons eu la visite du roi de Bulgarie et maintenant le roi de Serbie est ici.

- Le 18 mai 1910 : lettre à son frère. Je suis à Moda depuis le 7 mai. Le 1er mai, c'était Pâques à la grecque. Nous étions fermés le jeudi saint et le lundi de Pâques, j'en ai profité pour prendre 6 jours de congé. Notre bande avait organisé une excursion au village polonais comme l'an passé. Nous étions 19 en tout. Je suis parti en éclaireur avec 3 autres le mercredi pour préparer la réception du reste, qui devait venir le lendemain. Nous étions tous logés dans la même maison ; nous étions bien surtout quant à la nourriture et j'ai effrayé tout le monde par mon appétit. Nous buvions d'excellents laits et avions un vin de véritables sauvages. Nous avons fait des promenades en forêt, chanté, etc. Le jour du retour, j'ai fait 35 km à pied.

- Du 6 août au 5 octobre 1910: Louis est en France pour faire sa période militaire à Annecy et voir la famille.

- Le 19 octobre 1910 : lettre à son frère. J'ai quitté Paris le 5 octobre à 9 heures 20 par le rapide de Marseille, où à midi, j'ai mangé une bouillabaisse excellente. Le soir nous quittions le port à 5 heures par une pluie battante. Dans la nuit nous avons essuyé une forte tempête. Je suis monté sur le pont à 4 heures du matin pour me rendre compte, mais je n'ai pu tenir que 5 minutes. Cela s'est calmé dans la journée. Le samedi soir, encore un peu de tangage et le reste du voyage fut très calme, beau et chaud. Je n'ai pas été malade du tout, je n'ai manqué aucun repas. Je suis descendu à Athènes et à Smyrne.
À mon arrivée ici, plusieurs amis m'attendaient ainsi qu'un employé des EOB qui s'est chargé de mes bagages.
Je me suis de suite occupé de trouver une chambre, et j'en ai trouvé une le lendemain, ce fut difficile et les prix ont augmenté ; je paye 64 F par mois café compris. Depuis mon retour, je trouve la nourriture exécrable, je dépense 5 à 6 F par jour pour mes repas.
J'ai trouvé un léger progrès ici : quelques rues repavées, prolongement d'une ligne de tram ; pose d'une voie pour train électrique et 2 lignes d'autobus ; plus de chiens, mais le choléra, pas très grave, car depuis un mois il n'y a eu que 92 morts. On prend des précautions pour éviter la propagation et on répand du chlore dans les maisons.
J'ai fini mes visites d'arrivée et samedi j'étais invité à une soirée dansante, cela a duré jusqu'à 8 heures du matin, nous nous sommes bien amusés.
Pendant mon séjour en France, j'ai pris 3 Kg.
Nous avons une troupe française assez bonne et je vais aller voir le "voleur" de Bernstein. A part cela , c'est très triste, car les réceptions ne sont pas encore commencées, et, de 5 à 8 heures du soir je ne sais que faire.

- Le 12 décembre 1910 : lettre à son frère. Nous avons toujours le choléra. Il fait un temps merveilleux et chaud, hier de 15 à 20°. Je vais presque tous les dimanches à la chasse. Hier, nous n'avons vu que quelques merles. Nous avons bien vu des bécasses, mais nous n'avons pas de chien. Il y a 15 jours, nous avions fait 60 alouettes, et une semaine avant 45. Tu vois donc que cela ne manque pas de charme. Aujourd'hui, je suis fatigué, car en plus d'un certain nombre de kilomètres à travers les fourrés, nous étions invités le soir dans une famille où nous avons joué au bridge jusqu'à plus de minuit. Les réceptions commencent et cela va me distraire un peu. Nous préparons une soirée pour le réveillon, nous aurons un arbre de Noël.
Hier, nous avons chassé jusqu'à midi 1/2 ; après le déjeuner, nous avons joué au tennis et nous avons attrapé une suée comme en plein juillet.

1909 - 1910 - 1911