- LES EVASIONS -

- 1e tentative d'évasion : Au fort IX, à Ingolstadt j'ai participé à la construction d'un souterrain, il fut découvert après deux mois de travaux.

- 2e tentative d'évasion : Toujours à Ingolstadt, me faisant conduire à l'hôpital pour y consulter un spécialiste, je réussis à sortir de la salle où j'étais gardé. Je suis repris presque aussitôt dans les couloirs. La sentinelle ne signalera pas le cas au commandant du camp.


- 3e tentative d'évasion : À Würzburg, le 14 février 1918, je m'évade de chez le dentiste, en ville avec le commandant Catroux. Les prisonniers étaient accompagnés par deux sentinelles allemandes, une à l'avant, une à l'arrière du groupe marchant par deux. En arrivant chez le dentiste, les prisonniers montaient à l'étage, puis les sentinelles fermaient la marche. Le jour de notre évasion, nous ouvrions la marche et à l'entrée chez le dentiste, nous nous sommes glissés sous l'escalier; quand les deux derniers à entrer dans le cabinet dentaire ont constaté que les sentinelles ne s'étaient aperçu de rien ils se sont fait des politesses pour nous avertir que tout allait bien. Le train sur lequel nous comptions ayant été supprimé, nous dûmes quitter la ville à pied et nous fûmes repris à 10 kilomètres de là par la gendarmerie prévenue. La production de faux passeports turcs que j'avais établis ne suffit pas à empêcher notre arrestation. Résultat: confiscation de nos effets, 68 jours de prison et changement de camp.

- 4e tentative d'évasion : à Würzburg, le 23 avril 1918, je pénètre dans le bureau du camp et j'y prends une carte de sortie de la forteresse destinée aux civils, dans le but de m'en servir moi-même. Je suis surpris et poursuivi en conseil de guerre pour vol. Condamné par le conseil d'Ingolstadt à 28 jours d'arrêts je fais appel à Nürnberg où le jugement est cassé. Je suis condamné à 7 jours d'arrêts pour détournement de documents.

- 5e tentative d'évasion : En juillet 1918 , conduit au conseil de guerre à Ingolstadt, avec le commandant Catroux, je réussis à m'éloigner des sentinelles pendant la traversée de la gare, mais je suis rattrapé avant d'en sortir. La sentinelle n'a rien signalé à ses chefs.

- 6e tentative d'évasion : Le 18 septembre 1918, je passe au conseil de guerre de Nürnberg et m'évade en sortant de la salle d'audience. J'étais habillé en civil sous mes effets militaires. Je quitte mon uniforme aux WC et passe devant mes sentinelles qui ne me reconnaissent pas. Je prends l'express pour Frankfort et suis arrêté dans le train à Gemünden, un peu avant Frankfort, par un policier lancé à mes trousses. Ce policier me connait déjà, c'est celui qui fût chargé de l'instruction de ma première évasion. Je produis également des faux papiers, mais le policier me reconnaît et tout joyeux me met la main au collet.
Résultat : confiscation des effets et 14 jours d'arrêts.

********************************************


Récit dans :" Les Robinsons de la Bavière." (Ingolstadt - fort IX) Chapitre XI.

D'après ce que l'on sait des prisonniers du fort IX, on se doute bien que le conseil de guerre, malgré son apparat théâtral, n'était pas pour les intimider...Ils s'y rendaient comme à une simple partie qui leur permettait d'abord de quitter le fort, et qui pourrait, ils l'espéraient tous, leur fournir l'occasion d'échapper à leurs geôliers en profitant d'une seconde d'inattention ou de négligence....
Ils portaient toujours des effets prêts à être rapidement démaquillés, et n'hésitaient à se mettre dans des cas de conseil de guerre, même relativement graves, afin de pouvoir sortir pour subir les interrogatoires d'usage.
Bref, le capitaine Salmon, convoqué devant le conseil de guerre de Nuremberg pour une affaire quelconque, avait revêtu un costume de toile kaki, d'uniforme bien entendu, mais transformable à volonté, et avait endossé un pardessus civil, qu'il avait caché sous un grand manteau militaire bleu horizon...
Le boche qui l'accompagnait était un nouveau venu, pas au courant des habitudes des prisonniers et moins méfiant que les autres, il n'avait pas, au départ, fait déshabiller le capitaine Salmon.
Le conseil de guerre de Nuremberg était au troisième étage d'un vieux et grand bâtiment, la Deutschland Kaserne. Les inculpés attendaient, dans les couloirs, le moment de comparaître devant leurs juges et ils se rassemblaient dans les embrasures des fenêtres, ils retrouvaient là d'anciens camarades, les fournées étant toujours nombreuses.
Quant aux sentinelles, elles en faisaient autant, étant sans inquiétude, le couloir coudé se terminant en cul de sac où se trouvaient les WC ; puis s'ouvrait la porte du conseil de guerre ; puis venait l'embrasure de fenêtre qui servait de salle d'attente ; et, enfin à côté de l'escalier, s'installaient les sentinelles. Une sentinelle était placée d'ordinaire à la porte même du conseil. Il lui arrivait parfois d'aller discuter avec ses camarades
C'est ce qui se produisit lorsque le capitaine Salmon quitta la salle du conseil. Profitant immédiatement de la situation, il se dirigea, sans affectation, vers les WC. Personne ne lui fit d'observation puisqu'il était impossible de s'échapper par là.
Mais quelques minutes plus tard, un civil ressortait : c'était le capitaine Salmon qui avait savamment mis le temps à profit ; il passait devant les officiers français impassibles, puis devant les sentinelles qui ne se doutaient de rien, descendait l'escalier et se perdait dans la foule.
Le capitaine Salmon n'eut pas de chance, au cours de cette évasion. Il s'était procuré de faux papiers qui pouvaient donner le change, et ne redoutait rien des policiers contrôlant les trains ; Par malheur, celui qui lui demanda ses papiers avait été chargé d'une fouille, dans un camp, à Würzburg, alors que Salmon s'y trouvait interné. A cette occasion, l'officier français avait «vertement» attrapé ce policier qui le reconnu sans peine et tout joyeux lui mit la main au collet.


- 7e et ultime tentative d'évasion : Le 30 octobre 1918 je quitte Magdebourg où j'avais été conduit pour y subir 7 jours d'arrêts. Je m'évade de la gare de Nürnberg en uniforme, capote de soldat que j'avais fait teindre en bleu foncé, pantalon rouge teint en bleu, tunique bleu horizon, et tête nue. Je me rends à Fürth où j'achète le chapeau du garçon de café de la gare. Je me rends par le train de nuit à Frankfort et Cologne, puis Aix la Chapelle et passe la frontière le 1er novembre à l'ouest d'Aix la Chapelle, à 10 mètres d'une sentinelle, après avoir manoeuvré dans des zones de fil de fer pendant 2 heures, et évité 2 autres sentinelles.

La tenue avant et après transformation pour l'évasion

Après avoir lu et relu les correspondances de mon père Louis Salmon, je pense qu'il y a eu d'autres tentatives d'évasion que les 7 cités dans ce relevé.

Je m'explique : Il est resté à Friedberg du 8 janvier 1915 au 1er mai 1916, puis il est déplacé au camp de Cüstrin en passant par Mayence. Hors dans sa lettre du 19 avril 1916 il précise : « depuis le 12 courant les correspondances et paquets sont de nouveau supprimés, toujours soit disant, à titre de représailles». Punition clasique pour faute grave.

Le 6 mai 1916, il est arrivé à Cüstrin et il écrit : « Le 30 avril, à 8 heures 1/4 du matin on m'a prévenu que je devais quitter le camp à midi, sans m'informer où j'allais, et on me donne comme raison que je m'étais rendu désagréable par ma conduite. Comme vous devez bien le supposer, cette raison me remplit de joie ; nous étions 5 dans le même cas.» Il est fort possible que les cinq déplacés le soient pour une tentative d'évasion éventée !

Le 6 juin 1916, il écrit de Cüstrin : « Dans ce camp un souterrain fut entrepris par le Cap. Derache et Roland Garros puis d'autres camarades au fur et à mesure de l'avancement des travaux., Ils furent dénoncés par un officier russe de réserve qui boit tout ce qu'il trouve » Sans doute a-t-il été dans ce coup ! D'où ce nouveau changement de camp.

 

 

     Page précédente         Correspondance.

 

Retour plan du site

 

©Yves SALMON  mars 2001
Tous droits de traduction, de reproduction
et d'adaptation réservés pour tous pays.