Je quitte l'armée fin décembre 1946 et je viens chez mon oncle Alfred Salmon à Bécon les Bruyères, quartier est de Courbevoie. Je prends pension chez eux et je loue une chambre dans un pavillon, dans la même rue .
Mon oncle me rend mes comptes
de tutelle. Ce qui venait de mes parents ayant servi à
payer mon entretien et ma scolarité jusqu'à ma sortie
des AOA : la caisse est vide !
Pour trouver un emploi, je vais aux apprentis d'Auteuil. L'amicale
me propose une place d'électricien dans une usine de fabrication
de lampes radio (Néotron) à Levallois et une autre
au rayon radio des magasins du Louvre place du Palais Royal à
Paris. J'opte, pour le Louvre mais le poste proposé était
un emploi de vendeur ce qui ne me convenait pas. Le contre maître
des téléphonistes présent à l'entretien
d'embauche, ayant besoin d'augmenter son effectif, entre dans
la conversation et me propose de travailler dans son service ce
que j'accepte et je deviens son troisième équipier.
En attendant de retrouver une place de radio électricien,
j'apprendrai toujours quelque chose de plus et ne serai pas au
chômage.
Le travail consiste à entretenir le répartiteur
électro mécanique , qui occupe toute un local à
l'avant dernier étage. Il faut aussi dépanner les
postes dans le magasin, ou les déplacer à la demande
des chefs de rayon, etc.. Régulièrement, l'un de
nous vient le dimanche pour faire le contrôle de la batterie
d'accus du central téléphonique. Le travail n'est
pas trop important et nous passons une partie de notre temps à
aller voir les midinettes qui travaillent à l'étage
supérieur.
La tenue à l'entrée du personnel et dans le magasin
doit être correcte c'est à dire chemise cravate pour
les garçons et les bas de rigueur pour les filles. je fais
le trajet Bécon-le Louvre en train et bus pendant l'hiver
et en vélo quand il fait beau temps.
À Lavelanet, j'ai appris
les bases de la la photo. M'étant procuré un appareil
24X36 en complément de celui rapporté d'Allemagne,
je commence à m'équiper pour développer et
agrandir mes photos dans mon cabinet de toilette.
Je me fais des copains
parmi les employés du magasin et quand il fait beau nous
allons manger notre repas de midi sur les quais de la Seine.
Je vais aussi retrouver un cousin de la famille Salmon, Jean Paris,
qui est inspecteur à la Samaritaine, à deux pas
du Louvre. Il m'apprend beaucoup sur le travail de surveillance
dans les grands magasins : les inspecteurs observant les clients
en se promenant dans les rayons ou placés derrière
des glaces sans tain.
Mes camarades m'avertissent qu'il ne faut jamais toucher aux articles
exposés dans les rayons, même pas ramasser un objet
à terre pour le remettre en place, cela est considéré
par l'inspection générale comme une tentative de
vol. « Si tu vois un réveil au sol, fiche lui un
grand coup de pied mais surtout ne le ramasse pas » me conseillent-ils.
Je ne l'oublierai jamais, mais je n'ai pas eu l'occasion de le
faire.
Je retrouve un ancien du 49 RI : Adrian de la classe 43 qui était
dans ma Cie à Berlin. Il habite rue Montmartre près
de l'ancien magasin des Drouet. Je vais campé avec lui,
à Chantilly
et à Orléans, sur l'île Charlemagne, pour
la pentecôte 1947, .
C'est au cours de ce dernier W-E prolongé que mon oncle
Alfred est décédé. Ma tante m'en voudra longtemps
de ne pas être présent ce jour là.
En septembre, je trouve un
emploi à Pithiviers
comme metteur au point et dépanneur radio aux établissements
Herson, entreprise familiale, dirigés par Georges Le Henand.
J'ignore alors que mon père avait fait son service militaire
dans cette ville.
Je trouve une chambre dans un pavillon proche de la caserne, chez
monsieur M. qui vit seul. Je prends pension « Chez la Classe
», restaurant place du Martroi, où je fais courant
octobre la connaissance d'une charmante demoiselle des PTT, ma
voisine de table, Madeleine Pinon. Je l'épouserai début
1948. Son père, ancien agriculteur dans la région
de Gien, est un peu réticent, mais je finis par le convaincre
de me confier sa fille qui m'accompagnera dans la vie 55 ans.
Avant la fin de l'année nous aurons notre premier garçon
: Jean-Charles,
puis en 51 le deuxième : Dominique et en 54 une fille :
Danielle, tous trois nés à Pithiviers. Des Petits-vauriens
comme on dit là-bas, où il faut au moins 3 générations
pour être admis dans la société. J'y rencontre
Pierre Charié, ancien commandant des FFI de la foret d'Orléans
qui devient un ami ainsi que le directeur du journal local : "Le
Courrier du Loiret".
Chez mon patron, je câble
les postes radio et en fait la mise au point. Un apprenti les
met en boîte, et un autre ouvrier exécute les dépannages.
La radio occupe 2 étages. Un étage est réservé
au dépannage des appareils ménagers. Il y a 2 magasins,
un pour la radio et un pour les appareils ménagers tenu
par une vieille fille grincheuse, Yvonne cousine du patron, que
nous appellons tous Geogeo. Il y a aussi un ou deux monteurs qui
font les installations électriques chez les clients.
Après quelques mois, Geogeo, cesse la construction des
postes radio. Les grandes marques de radio-récepteurs sont
de retour sur le marché, la vente d'appareils de marque
rapporte plus que la construction artisanale. Le Hénand
décide de me remercier ainsi que l'apprenti, il ne conserve
que le dépanneur plus ancien que moi. Je trouve rapidement
un autre emploi par l'intermédiaire de l'apprenti que j'aide
dans ses devoirs de radioéléctricité par
correspondance. Il me fait connaître le chef électricien
de la sucrerie de Pithiviers-le-Vieil qui me fait embaucher à
la distillerie de cette usine qui a besoin de personnel, car déjà
à cette époque (fin 1948 il y a des problèmes
de carburant, et l'Etat demande aux betteraviers de fournir de
l'alcool pour les pétroliers. La campagne de distillation
commence donc 3 mois plus tôt avec du jus de betterave.
Quelques jours après cette embauche, une génératrice
de courant doit être réparée sur place. Le
bobinier ayant besoin d'aide, je lui suis affecté à
la demande du chef électricien. C'est là que je
fais la connaissance du directeur départemental de l'APAVE
du Loiret. Il me donne des conseils pour passer éventuellement
le CAP d'électricien. Je le rencontrerai plusieurs fois
sur mon chemin. Ce travail terminé je retourne à
la distillerie.
Dans cette grosse sucrerie, il y a la campagne sucrière
d'octobre à fin décembre, et après on attaque
début janvier pour 3 à 4 mois la distillation des
mélasses, résidus de la fabrication du sucre de
laquelle on tire de l'alcool.
Comme il y faut augmenter la production d'alcool, on reçoit
en appoint des mélasses venant de la sucrerie de Toury
par camions ou wagons citernes. Je n'ai qu'un emploi de manoeuvre
et mon travail consiste à recevoir ces mélasses
dans une citerne enterrée.
Cette distillerie fonctionne en continu, avec le roulement de
3 équipes de 8 heures, 7 jours sur 7 et cette année
1949, la campagne va durer jusqu'à début juin si
ma mémoire est bonne. Cet alcool part en wagon citerne,
entre autre chez des fabricants de pastis. (cet apéritif
est un savant mélange d'extrait d'anis, de réglisse,
d'alcool de betterave et d'eau, suivant une recette tenue secréte.
(entendu à la télé).
En plus de ma citerne de mélasse, je peux me dégourdir
les jambes en faisant la tournée de graissage d'une pompe
à vide et d'un compresseur d'air. Ce travail n'est pas
une sinécure, mais a de bons côtés. Par exemple,
en fin de semaine, il n'y a pas de livraison de mélasse,
et pour le poste de la nuit mon chef d'équipe, m'envoie
me coucher, après le casse croûte, dans un coin bien
au chaud et fait ma corvée de graissage. Il vient me réveiller
une heure avant la relève de 5 heures. Le rythme des postes
change suivant l'horaire : le matin de 5 à 13 heures, est
celui qui passe le plus vite, il y a d'avantage d'animation :
à partir de 8 heures, les équipes de jour prennent
leur poste, puis arrivent les livraisons de mélasse, je
suis alors occupé, le temps passe plus vite et à
13 heures c'est la fin du service. L'après midi, le poste
est plus lassant, les livraisons sont pratiquement terminées,
on attend la fin de la journée, l'équipe de jour
quitte vers 18 heures, et il faut encore attendre 3 heures pour
être libéré. L'été arrivant,
le jour se lève vers 4 heures, et cela nous permet d'aller
prendre l'air à l'extérieur des bâtiments
et de rendre visite à la cartonnerie qui existe sur le
même site ainsi qu'une fabrique de couverture de toit :
"L'Onduline", qui est envoyée dans les pays que
l'on dit sous développés aujourd'hui. Elles travaillent
également en 3 X 8.
La campagne de distillation terminée, nous travaillons
en horaire normal de jour. C'est la période d'entretien
; il faut démonter la colonne de distillation et les tuyauteries
annexes, tout le matériel est lavé, réparé,
remonté. Les cuves de fermentation lavées et mises
en eau pour ne pas se dessécher, et comme on arrive en
été, on s'y baigne en fin de journée.
Cherchant un travail plus lucratif, je démissionne pour entrer dans une petite entreprise de moulage de matière plastique où je ne reste pas longtemps, une fausse manoeuvre sur une machine me valu de passer à la caisse. J'entame alors ma seule et unique période de chômage qui sera de courte durée.
Mon premier employeur, Geogeo, me prend en extra comme monteur électricien pour l'équipement d'une maison de garde forestier. En plus, je dépanne et améliore, chez moi, des postes de TSF, pour des connaissances.
En dehors de la sucrerie, je
suis entré en relation avec un artisan électricien,
André Malard, qui finit par me prendre à temps plein
comme dépanneur radio et monteur électricien en
bâtiment et industrie.
Comme quoi il ne faut jamais désespérer . J'arrive
enfin à faire le métier que j'ai toujours voulu
exercer. Je suis resté chez lui de 1950 à 1955.
Mon premier travail est l'installation d'un groupe électrogène
au silo de Pithiviers avec la ligne le raccordant au tableau BT.
Puis, les souris ayant dégradé le tableau de commande
automatique, j'ai à en reprendre le câblage ; j'effectue
ce travail la nuit et tout doit marcher pour la reprise le matin.
Plus tard, j'effectuerai l'installation d'une nouvelle tranche
de cellules métalliques et d'un séchoir à
grains qui aujourd'hui ont été remplacés
par une nouvelle construction en béton.
Je fais des installations dans des habitations, et surtout dans
des établissements
industriels : biscuiterie, pain d'épices, pâtes
alimentaires Gringoire ; engrais, savonnerie Boucheny ; le silo
déjà cité : à Pithiviers. La laiterie
coopérative de Corbeilles en Gatinais où je vais
tous les ans pendant un mois avec un jeune pour des travaux de
rénovation et l'entretien des installations électriques.
Le Nanan produits alimentaires des animaux à Puiseaux.
Biscottes Grégoire à Levallois. Biscuiterie et biscottes
Grégoire à Orléans et deux patisseries :
les Musardises d'Orléans et celles de Bretagne à
Rennes, où j'ai connu la première femme de SIM vendeuse
dans cette pâtisserie.
J'apprends beaucoup sur le tas, câblage d'armoires de commande,
installation de machines complexes, etc... Installations de pavillons
et d'appartements. Et bien sûr des dépannages radio
dans un petit atelier au fond du jardin des parents du patron,
qui célibataire vit encore avec eux. Son père était
surnomé "Delmotte" parce que pendant la guere
de 14 il avait été le mécanicien de ce pilote.
Nous sortons peu et pour aller à la Bussière chez mon beau père, nous avons des vélos moteurs, les 2 garçons dans une remorque de ma fabrication et la fille sur le porte bagages avec Madeleine.
Au cours de ces années,
je retrouve le directeur de l'APAVE qui me pousse à passer
le CAP d'électricien.
Au printemps 1945 je suis en déplacement sur un gros chantier
à Ferrières en Gâtinais avec un jeune apprenti.
Je passe mes soirées à préparer ce CAP potassant
les livres du niveau BEP et je passe cet examen à Orléans,
fin juin 1955, et je réussis avec mention bien. Pour les
épreuves écrites, les candidats sont placés
devant de grandes tables par profession : un électricien
auto, un électro-mécanicien, un bobinier etc ...
et ainsi à chaque table ; les épreuves manuelles
se font sur mur. J'ai passé l'épreuve
sportive, avec les jeunes candidats de Pithiviers, malgré
mes trente ans, alors que je n'y étais pas obligé.
Monsieur Marais, ingénieur également à l'APAVE,
que j'accompagne lors de ses visites de contrôle à
l'usine d'engrais m'a enseigné bien des choses qui m'ont
servi par la suite, il me conseille de quitter Pithiviers si je
veux avancer dans ma carrière. Monsieur Loiseau, contre-maître
de la laiterie, m'incite aussi à quitter le Loiret pour
progresser dans le métier.
Je ne regrette pas d'avoir suivi leurs conseils. Je perds mon
temps en restant à Pithiviers qui n'ouvre pas de débouché.
Depuis, la ville a créé une zone industrielle importante.
Au mois de juillet, ayant mon
diplôme en poche, je trouve dans les petites annonces une
place dans une société d'Aubusson (MEMC) pour travailler
sur la région parisienne. Je demande deux semaines de vacances
à André Malard pour effectuer un essai sur le chantier
de la MEMC à la régie Renault à Flins, essai
que j'avais proposé, suivant les conseils de monsieur Loiseau.
Cet essai donnant satisfaction je suis embauché,à
des conditions satisfaisantes, mais pénibles à exécuter
; de toutes façons je considère cet emploi provisoire
comme tremplin devant me servir à trouver mieux sur place,
soit chez Renault soit dans une autre entreprise.
Quand je fais part de ma décision à André
Malard, il me propose l'augmentation qu'il m'avait refusé
un mois avant. Trop tard !
Je suis affecté sur le chantier de la RNUR à Flins. Le chef de chantier, un petit fort en gueule s'appelle Charlot. Le travail est pénible, Il faut faire, de la serrurerie, de la soudure électrique et de l'électricité bien sûr, toujours plus vite, 10 heures par jours, 7 jours par semaine, un week-end de repos par mois. Madeleine et les enfants sont toujours à Pithiviers. Je pars de Flins le samedi à midi et je rentre le dimanche soir pour être à l'heure le lundi matin sur le chantier. Je m'en sors, vu le nombre d'heures effectuées et les frais de déplacement en plus. J'étais en pension chez un copain travaillant à l'usine.
J'étais loin des 35 heures actuelles, et vous devinez ce que j'en pense aujourd'hui !!
Au cours du mois de décembre,
je trouve un nouvel emploi dans une entreprise de Paris (Ets.
Lebrec), par l'intermédiaire du chef de chantier de cette
entreprise qui conduit une équipe à la RNUR.
Je suis envoyé sur le chantier de la Cellophane à
Mantes-la-Ville, ( cette usine n'existe plus depuis plusieurs
année) où je commence le 2 janvier 1956. Le travail
est plus technique, mieux payé, avec des frais de déplacement
plus importants, et, surtout une semaine de 48 heures. Je rentre
à la maison tous les 15 jours.
J'ai une chambre dans un petit hôtel et je prends mes repas
avec les copains de travail dans un restaurant « Chez
Edouard
». C'est la fille du
patron qui fait le service. Elle a un chat qui vient toujours
nous ennuyer à table. Un jour, nous lui arrangeons son
affaire, je le prends sur mes genoux, lui relève la queue
et un copain lui passe le trou de balle à la moutarde.
Quel travail ! le chat repart comme une fusée à
travers la salle, et la fille qui n'a rien vu se demande encore
pourquoi aujourd'hui !
J'ai du travail intéressant, câblage d'armoire électriques,
installation de machines pour la fabrication de la cellophane,
et, surtout en commun avec le laboratoire d'essais l'équipement
des maquettes de machines pour de nouvelles fabrications. Parfois
le travail est pénible, en chaufferie et dans les ateliers
de fabrication de la pellicule et de son vernissage où
la température est élevée. Dans la chaîne
de fabrication, il y a des produits dangereux tel que la soude
liquide, le chlore pour faire de l'eau de Javel, et surtout le
sulfure de carbone explosif et toxique.
Des employés sont morts asphyxiés en nettoyant un
égout. Les cuves stockant ce produit sont immergées.
La terre à l'endroit où s'effectue le dépotage
des wagons citernes en est saturée et un jour où
je suis occupé à creuser une tranchée pour
passer des câbles, l'étincelle produite par un coup
de pioche sur un silex produit une petite explosion.
Dans le premier semestre de
l'année 1956, je réponds à une demande d'embauche
restée en suspens à la RNUR. Convoqué à
Flins, le contremaître du service entretien qui me connait,
(j'ai travaillé pour lui étant à la MEMC)
m'annonce que je peux, après essais, être pris comme
P1. Je lui explique qu'étant donné ma situation
en déplacement, ma famille étant encore à
Pithiviers, j'espère entrer P2, et je lui demande à
passer l'essai pour cet échelon. Il accepte sur mon insistance
et le temps de traverser l'usine pour revenir au bureau du personnel,
la convocation pour l'essai au siège de Boulogne Billancourt
était prête.
J'ai été reçu par un ingénieur qui
m'a questionné une heure sur le courant continu, et une
sur le courant alternatif. A la fin il me dit : « C'est
bon, pour P2, revenez me voir dans six mois pour passer P3 ».J'étais
heureux.
Dans les années 50, il y avait du travail, on changeait
facilement d'Entreprise. J'annonce la nouvelle à mon conducteur
de travaux en lui laissant entendre que si ça ne marchait
pas, je reviendrais bien chez Lebrec, et j'entre à la RNUR.
Au premier abord, le contact
avec les collègues de travail n'a pas été
des meilleurs, une certaine jalousie de me voir arriver P2. J'aurais
aimé travailler sur les presses à emboutir, les
ponts roulants ou les fameuses machines transfert mais on m'a
mis sur les soudeuses par point en tôlerie. Il y avait également
une machine transfert multipoint pour l'assemblage de châssis
mais je n'y étais pas affecté. Je passais ma journée
à attendre qu'une machine tombe en panne pour avoir de
l'occupation, et quelle occupation ! les mains dans l'eau, l'huile,
et bien sur l'électricité, le vrai boulot dég....
Je commençais à déchanter ! Un jour, une
panne sur la soudeuse multipoint : un ensemble qui s'ouvrait et
se refermait sans arrêt stoppant le cycle de la machine.
Les collègues, en général plus jeunes que
moi ne trouvaient pas. Je regarde le schéma déplié
pour l'occasion et me tournant vers eux après quelques
minutes d'observation, je leur dis : « Regardez donc le
contact, là , il doit-être déréglé
» J'avais vu juste, d'où nouvel rancune envers moi.
Sur ce, ma femme étant malade je dois rentrer à
Pithiviers en urgence. Après réflexion, je ne me
vois pas continuer à la RNUR. Je contacte alors la Société
Lebrec qui me reprend aussitôt pour Mantes, où je
suis resté jusqu'au 24 décembre 1963.
Quand je vois fin 56 que l'emploi
est stable, je fais venir ma petite famille. Nous avons acheté
un pavillon à
Limay. Je suis assez bricoleur, un électricien doit savoir
faire beaucoup de choses.
Je m'attaque à des travaux de maçonnerie pour agrandir
ce logement : des WC et une salle d'eau qui manquent pour le confort.
Je creuse un puisard, termine un garage inachevé et construis
un poulailler, oui, oui, un ami m'ayant mis l'idée
en tête en voyant la place dont je dispose. J'ai tout réalisé,
le bâtiment, les mangeoires, l'abreuvoir automatique, etc
... et des clapiers pour les lapins et également des pigeons.
Notre chef de chantier est très compréhensif, il
nous donne la permission de bricoler à la baraque de chantier
après le travail, on peut utiliser l'outillage pour faire
notre travail. En plus, ayant toujours fait de la radio, je tâte
à la réception d'amateur et je capte le Bip Bip
du premier Spoutnik. Dans la cave, j'avais un circuit de train
électrique que les garçons n'avaient pas le droit
de toucher. Nous avons des Solex pour nous rendre à notre
travail et nous déplacer.
Sur le chantier, nous récupérons toutes les chutes de câble lors des modifications dans l'usine et très officiellement, le chef du service achats nous signe un bon de sortie. Notre chef en tête, nous décortiquons les câbles et brûlons le cuivre pour le débarrasser de son isolant. Le récupérateur vient chercher la marchandise à la baraque du chantier et le produit de la vente est réparti entre les membres habituels de l'équipe, c'était notre argent de poche.
En plus de la Cellophane, j'aurai
l'occasion de travailler sur les premières armoires à
commandes numériques du constructeur automobiles SIMCA,
sur place à Poissy, et à l'atelier de l'entreprise
Lebrec à Argenteuil où j'irai plusieurs fois en
renfort pour des câblages urgents d'armoires.
Mon patron, Monsieur Lebrec m'avait emmené en voiture avec
un jeune chez un client important pour faire des travaux dans
sa maison de campagne. Pendant le trajet nous avions fait ample
connaissance.
Un peu plus tard je passe chef d'équipe et reviens ainsi
à mon échelon au départ de Pithiviers.
Monsieur Lebrec céde son entreprise et nous avons une nouvelle
direction,
Plus tard, fin 1963, voulant
évoluer dans l'entreprise, je demande à mon conducteur
de travaux de me confier la responsabilité d'un chantier.
Pour cela, je dois me rapprocher de Paris. Nouveau déménagement
pour Houilles. Là, j'ai eu encore à faire des améliorations,
carrelage dans la cuisine, chauffage avec passage au fioul d'une
cuisinière à charbon, (astuce du Système
D) stockage
du fioul avec des fûts de 200 litres accouplés et
une pompe qui montait le fioul dans un réservoir à
l'étage pour alimenter un poêle et la cuisinière
par gravité. L'air chaud était capté sur
le poêle et un ventilateur le pulsait vers les 3 chambres
par une gaine en agloméré.
Peu après notre arrivée à Houilles, une deuxième
fille, Pascale est
née, en novembre 1963.
En décembre, un désaccord avec l'entreprise survient, on ne peut plus me passer chef de chantier et je dois rester à Mantes. Comme je ne veux plus faire la navette tous les jours, je reprends les petites annonces et je change de société.
Je me présente à
l'entreprise FONTELEC, à Levallois. Aprés un long
entretien avec le directeur, il m'embauche agent technique électricien
; je gravis un échelon en passant ETAM . Je dois assister
un conducteur de travaux dans ses activités auprès
d'une entreprise frigorifique pour laquelle nous réalisons
les armoires de commandes et les raccordements électriques
des meubles, chambres froides et laboratoires dans des supermarchés.
Il y a 2 équipes de monteurs et je passe derrière
pour les réglages et les essais avec le client. Je fais
également des installations complètes avec un monteur.
Je passe mon permis de conduire car je dois avoir une voiture
pour me déplacer. Je suis allé à Mulhouse,
Nancy, Metz et bien entendu dans la région parisienne avec
une dodoche commerciale.
Peu après mon conducteur de travaux quitte l'entreprise
pour travailler à son compte pour le client frigoriste.
J'ai alors été occupé à des travaux
divers et à du câblage en atelier.
Un jour, le directeur me convoque à son bureau et me propose
un chantier en déplacement pour réaliser en sous
traitance l'installation électrique de la climatisation
de la nouvelle annexe de la Caisse des Dépôts et
Consignation en construction à Angers. J'accepte aussitôt.
Pour effectuer ma mission, une entreprise d'Angers me fournit
les ouvriers dont j'ai besoin. Pour moi c'est un travail intéressant
et bien dans mes cordes. Une autre équipe Fontélec
était sur la partie haute tension, le tableau de distribution
basse tension et les groupes électrogènes. Une entreprise
locale faisait l'installation dans le bâtiment.
L'entreprise de climatisation, Sulzer, avait sur place un chef
de chantier très compétent (Gérardin).
Il m'apprendra des petites combines qui me serviront par la suite.
J'étais contrôlé dans mon travail par un technicien
L... metteur au point qui ne se prenait pas pour rien .., il n'y
avait que lui qui connaissait le travail ! Quand il est venu faire
les essais, j'avais déjà procédé à
tous les réglages et j'avais fait mes propres essais, je
savais que tout fonctionnait bien.
Le chantier terminé, j'ai appris que Sulzer espérait
avoir un contrat d'entretien et aurait besoin d'un agent technique
sur place. Trouvant Angers très agréable, je propose
à ma femme d'y venir si j'obtiens le poste et je pose ma
candidature pour cet emploi. Même pas besoin d'envoyer un
CV à l'époque, c'était sur parole, et mon
travail avait été apprécié. Là
j'ai dû signer mon premier contrat de travail, à
41 ans ! ETAM, chef de conduite nouvelle promotion.
Le directeur de FONTELEC m'a laissé partir sans me proposer un Kopec de plus pour me garder, pas content après Sulzer qui, pensait- il à tort, m'avait débauché.
Nous voilà parti à
Angers au mois de juillet 1966. Pour m'occuper, j'ai mis en peinture toutes les
canalisations et les gaines de la salle des machines et de la
chaufferie. Un employé du service entretien de la Caisse
mettait l'installation en route le matin et je prenais le relais
à 8 heures, je prenais mon repas de midi au restaurant
d'entreprise et j'allais à mon domicile avant de reprendre
mon travail de 14 heures à 18 heures. Le samedi, je faisais
les travaux d'entretien. Je m'étais bien organisé
et j'avais de bons contacts avec le client.
Tous les les mois, j'avais la visite d'un inspecteur Y.R... de
la Sté. Sulzer, et tout allait pour le mieux.
En 1968, Madeleine a voulu revenir sur Paris. Entre temps nous
avions appris que notre petite dernière était trisomique,
et elle pensait que nous trouverions plus facilement un établissement
pour cette enfant dans la région parisienne.
J'en parle à mon inspecteur
, Y.R. qui est d'accord pensant me confier une installation importante
avec une dizaine d'employés sous ma coupe et une promesse
d'avancement au bout d'un an si je m'en sorts bien.
Nous déménageons pour Eaubonne et je prends en charge
la conduite d'un immeuble administratif du CL à Levallois,
(à 2 pas de mon employeur précédent et de
l'usine Gringoire où j'étais venu en déplacement
de Pithiviers). Y.R... me prévient qu'il y a deux fortes
têtes dans l'équipe et qu'il est persuadé
que je les renverrai avant 6 mois. L'un l'a été
pour avoir refusé d'aller en renfort sur une autre installation,
mais, l'autre Y.P., ancien quartier maître de la marine
qui suivait les cours du soir aux Arts et Métiers, ne l'a
pas été. Il m'a dit un jour qu'il était temps
que j'arrive sur l'installation. Mon prédecesseur, ne s'occupant
que de la propreté des locaux, du matériel et des
dépannages, mais aucun travail d'entretien préventif.
Plus tard j'ai misY.P. chef de conduite à la banque Rothschild.
Après 1 an je suis passé inspecteur assimilé
cadre, ce qui dans le bâtiment équivaut à
conducteur de travaux ; je gravis encore un échelon. J'ai
plusieurs installations sous ma coupe : banque Rothschild , CL,
CCF, immeubles de bureaux et de logements. J'ai un véhicule
de fonction pour assurer mes déplacements, et je vais également
en province. (Angers : CDC ; Tours : CL ; Châteauroux :
EDF ; Reims : CCF ; Orléans : Sandoz ; Sandouville : Lafarge).
En 1972 ma femme gravement
malade est hospitalisée du mois de juin au mois de décembre
à l'hôpital Cochin. L'année suivante nous
allons passer les vacances dans le Gard où un collègue
de travail me prête sa maison de villégiature. De
là, nous visitons le Gard et nous faisons une escapade
à Grasse, pour lui montrer la maison où je suis
né, "Les Oliviers" ainsi que la côte d'azur.
Nous y retournerons deux fois les années suivantes.
Les Oliviers qui sont devenus "Notre Dame des Missions"
ont été rachetés pendant la guerre par les
pères du St. Esprit, les mêmes qui gérent
les apprentis d'Auteuil en 1941- 45, ils ont redonné à
la maison sa vocation d'origine, et ils l'ont agrandie par l'acquisition
d'une maison voisine, le jardin a été complètement
transformé.
Les garçons ne voulant pas faire d'études quitteront l'école et entrerons en apprentissage. La fille ainée fera l'école Pigier et entrera dans une filiale du CIC.
Pendant ce temps que devient Pascale ? Arrivé à Eaubonne, elle va deux heures par semaine à l'IME de l'association du Colombier à Enghien. Pendant la maladie de sa mère, elle est en nourrice sur Eaubonne mais on doit la changer, nous nous sommes aperçu qu'elle est mal traitée parce qu'elle n'est pas encore propre. A force de chercher, nous trouvons un placement dans la banlieue de Namur chez des religieuses. Nous allions la voir une fois par mois, en partant le matin vers 5 heures pour arriver à Namur à midi. Nous apportions notre repas et nous déjeunions dans une petite pièce que les religieuses mettaient à notre disposition. Le soir nous revenions par Lille et nous dinions chez ma cousine Jacqueline, puis nous rentrions à Eaubonne vers les 3 heures du matin. Pascale y restera plusieurs mois, puis la Sécu nous imposera de la ramener en France à Salbris dans un établissement où elle est dans les plus handicapées. Après nous obtenons une place en internat au Colombier dont j'occuperai un poste d'administrateur de l'association. Après quelques années nouveau changement pour un IME, à Sens où elle a fait de petits progrès. Nous allions la voir tous les 15 jours. Avec l'âge il a fallu passer de l'IME à l'IMPRO à Osny près d'Auvers où nous sommes depuis peu. Nous la prenions tous les week-ends et aux vacances il fallait lui trouver une place dans une colonie spécialisée. Puis, une fois de plus en 1983 il faut changer de structure et passer au CAT à Gouvieux près de St Germain en Laye.
En 1974, nous déménageons
une fois de plus pour nous installer à Auvers
sur Oise, dans une copropriété comportant 120
pavillons : "le Hameau de Montfleury". Notre déplacement
à Auvers n'arrangeant pas nos trois grands, ils trouveront
à se loger sur Paris et prendront leur indépendance.
Dans ce hameau, nous occuperons successivement deux pavillons
dans lesquels je ferai dans le premier : un labo photo et une
cheminée. Dans le second : un labo photo, une cheminée
un barbecue, une cave à vins, le carrelage du séjour,
de la cuisine et de l'entrée. Mes
réalisations.
En 1976, nous avons rejoint notre fille Danielle, qui était
en Angleterre et nous avons fait le tour du royaume unis en B
& B. Les Anglais sont charmants et nous avons toujours été
bien reçus.
Nous avons également fait des séjours chez des amis
à St. Malo.
Les années passant, il a été question chez Sulzer, de moderniser la procédure d'entretien des installations en mettant tout ça dans un ordinateur. Mon ancien équipié du CL. : Y.P... qui vient d'obtenir son diplôme d'ingénieur des A.M., passe ingénieur maison et entre à la direction de la société. Il est désigné pour prendre la tête du projet. Après un stage avec les informaticiens de la maison mère, il a tout mis en place : relevé du matériel des installations en charge et programmation des travaux d'entretien pour chacune, avec édition d'un listing périodique.
En tant qu'inspecteur, je devais surveiller mes installations, approvisionner le matériel, entretenir les relations avec les clients et les fournisseurs, faire le relever des heures de mon personnel pour les paies. Suivre des stages de perfectionnement et en plus, je faisais des photos d'expertise. Avec la nouvelle méthode, il fallait faire le relevé du matériel des nouvelles installations pour les mettre sur informatique, pendant que Y.P. restait derrière son bureau. Cela commençait à bien faire et avec des collègues de mon âge, pas question de faire ces inventaires pour l'informatique. Dans ces conditions,en février 1982, la mise en préretraite nous a été proposée. Les derniers mois d'activité ont été très relaxes ; mon remplaçant étant assez pressé d'agir seul je ne l'ai pas contrarié et j'ai pris un peu de bon temps, fini les heures sup faites pour le remplacement des postes de nuit dont le vacataire était malade et prévenait au dernier moment. Le lendemain je devais faire ma journée normale. L'affaire de notre départ traîne en longueur l'entreprise hésitant sur la façon d'opérer, je suis sur les nerfs jusqu'en octobre 1982 où la procédure de licenciement est enfin décidée.
En 1982, Dominique et Danielle se son mariés, l'ainé étant déjà avec une compagne.
A la réunion de concertation
avec le chef du personnel, nous étions assistés
par le délégué syndical CGT . Nous devions
parler des modalités du licenciement. Nous étions
2 inspecteurs, un chef de conduite, et deux ouvriers. Voilà
qu'au début de l'entretien, le délégué
CGT prend la parole. Bien entendu il demande que nous ne soyons
pas licenciés. Je lui coupe aussitôt la parole pour
lui faire remarquer que nous étions tous d'accord pour
partir en préretraite et que nous étions assez grands
pour défendre nos intérêts. Le chef du personnel
riait sous cape. Le reste de l'entretien s'est bien passé
et je me suis trouvé dés le mois de novembre en
congé de licenciement et préavis jusqu'au 28 décembre
1982 date fixée pour notre départ.