La vie active.

Voir mon C.V.

Je quitte l'armée fin décembre 1946 et je viens chez mon oncle Alfred Salmon à Bécon les Bruyères, quartier est de Courbevoie. Je prends pension chez eux et je loue une chambre dans un pavillon, dans la même rue .

Mon oncle me rend mes comptes de tutelle. Ce qui venait de mes parents ayant servi à payer mon entretien et ma scolarité jusqu'à ma sortie des AOA : la caisse est vide !
Pour trouver un emploi, je vais aux apprentis d'Auteuil. L'amicale me propose une place d'électricien dans une usine de fabrication de lampes radio (Néotron) à Levallois et une autre au rayon radio des magasins du Louvre place du Palais Royal à Paris. J'opte, pour le Louvre mais le poste proposé était un emploi de vendeur ce qui ne me convenait pas. Le contre maître des téléphonistes présent à l'entretien d'embauche, ayant besoin d'augmenter son effectif, entre dans la conversation et me propose de travailler dans son service ce que j'accepte et je deviens son troisième équipier. En attendant de retrouver une place de radio électricien, j'apprendrai toujours quelque chose de plus et ne serai pas au chômage.
Le travail consiste à entretenir le répartiteur électro mécanique , qui occupe toute un local à l'avant dernier étage. Il faut aussi dépanner les postes dans le magasin, ou les déplacer à la demande des chefs de rayon, etc.. Régulièrement, l'un de nous vient le dimanche pour faire le contrôle de la batterie d'accus du central téléphonique. Le travail n'est pas trop important et nous passons une partie de notre temps à aller voir les midinettes qui travaillent à l'étage supérieur.
La tenue à l'entrée du personnel et dans le magasin doit être correcte c'est à dire chemise cravate pour les garçons et les bas de rigueur pour les filles. je fais le trajet Bécon-le Louvre en train et bus pendant l'hiver et en vélo quand il fait beau temps.

À Lavelanet, j'ai appris les bases de la la photo. M'étant procuré un appareil 24X36 en complément de celui rapporté d'Allemagne, je commence à m'équiper pour développer et agrandir mes photos dans mon cabinet de toilette.

Je me fais des copains parmi les employés du magasin et quand il fait beau nous allons manger notre repas de midi sur les
quais de la Seine. Je vais aussi retrouver un cousin de la famille Salmon, Jean Paris, qui est inspecteur à la Samaritaine, à deux pas du Louvre. Il m'apprend beaucoup sur le travail de surveillance dans les grands magasins : les inspecteurs observant les clients en se promenant dans les rayons ou placés derrière des glaces sans tain.
Mes camarades m'avertissent qu'il ne faut jamais toucher aux articles exposés dans les rayons, même pas ramasser un objet à terre pour le remettre en place, cela est considéré par l'inspection générale comme une tentative de vol. « Si tu vois un réveil au sol, fiche lui un grand coup de pied mais surtout ne le ramasse pas » me conseillent-ils. Je ne l'oublierai jamais, mais je n'ai pas eu l'occasion de le faire.
Je retrouve un ancien du 49 RI : Adrian de la classe 43 qui était dans ma Cie à Berlin. Il habite rue Montmartre près de l'ancien magasin des Drouet. Je vais campé avec lui, à
Chantilly et à Orléans, sur l'île Charlemagne, pour la pentecôte 1947,
.

C'est au cours de ce dernier W-E prolongé que mon oncle Alfred est décédé. Ma tante m'en voudra longtemps de ne pas être présent ce jour là.

En septembre, je trouve un emploi à Pithiviers comme metteur au point et dépanneur radio aux établissements Herson, entreprise familiale, dirigés par Georges Le Henand.
J'ignore alors que mon père avait fait son service militaire dans cette ville.
Je trouve une chambre dans un pavillon proche de la caserne, chez monsieur M. qui vit seul. Je prends pension « Chez la Classe », restaurant place du Martroi, où je fais courant octobre la connaissance d'une charmante demoiselle des PTT, ma voisine de table, Madeleine Pinon. Je l'épouserai début 1948. Son père, ancien agriculteur dans la région de Gien, est un peu réticent, mais je finis par le convaincre de me confier sa fille qui m'accompagnera dans la vie 55 ans. Avant la fin de l'année nous aurons notre premier garçon : Jean-Charles, puis en 51 le deuxième : Dominique et en 54 une fille : Danielle, tous trois nés à Pithiviers. Des Petits-vauriens comme on dit là-bas, où il faut au moins 3 générations pour être admis dans la société. J'y rencontre Pierre Charié, ancien commandant des FFI de la foret d'Orléans qui devient un ami ainsi que le directeur du journal local : "Le Courrier du Loiret".

Chez mon patron, je câble les postes radio et en fait la mise au point. Un apprenti les met en boîte, et un autre ouvrier exécute les dépannages. La radio occupe 2 étages. Un étage est réservé au dépannage des appareils ménagers. Il y a 2 magasins, un pour la radio et un pour les appareils ménagers tenu par une vieille fille grincheuse, Yvonne cousine du patron, que nous appellons tous Geogeo. Il y a aussi un ou deux monteurs qui font les installations électriques chez les clients.

Après quelques mois, Geogeo, cesse la construction des postes radio. Les grandes marques de radio-récepteurs sont de retour sur le marché, la vente d'appareils de marque rapporte plus que la construction artisanale. Le Hénand décide de me remercier ainsi que l'apprenti, il ne conserve que le dépanneur plus ancien que moi. Je trouve rapidement un autre emploi par l'intermédiaire de l'apprenti que j'aide dans ses devoirs de radioéléctricité par correspondance. Il me fait connaître le chef électricien de la sucrerie de Pithiviers-le-Vieil qui me fait embaucher à la distillerie de cette usine qui a besoin de personnel, car déjà à cette époque (fin 1948 il y a des problèmes de carburant, et l'Etat demande aux betteraviers de fournir de l'alcool pour les pétroliers. La campagne de distillation commence donc 3 mois plus tôt avec du jus de betterave.
Quelques jours après cette embauche, une génératrice de courant doit être réparée sur place. Le bobinier ayant besoin d'aide, je lui suis affecté à la demande du chef électricien. C'est là que je fais la connaissance du directeur départemental de l'APAVE du Loiret. Il me donne des conseils pour passer éventuellement le CAP d'électricien. Je le rencontrerai plusieurs fois sur mon chemin. Ce travail terminé je retourne à la distillerie.

Dans cette grosse sucrerie, il y a la campagne sucrière d'octobre à fin décembre, et après on attaque début janvier pour 3 à 4 mois la distillation des mélasses, résidus de la fabrication du sucre de laquelle on tire de l'alcool.
Comme il y faut augmenter la production d'alcool, on reçoit en appoint des mélasses venant de la sucrerie de Toury par camions ou wagons citernes. Je n'ai qu'un emploi de manoeuvre et mon travail consiste à recevoir ces mélasses dans une citerne enterrée.
Cette distillerie fonctionne en continu, avec le roulement de 3 équipes de 8 heures, 7 jours sur 7 et cette année 1949, la campagne va durer jusqu'à début juin si ma mémoire est bonne. Cet alcool part en wagon citerne, entre autre chez des fabricants de pastis. (cet apéritif est un savant mélange d'extrait d'anis, de réglisse, d'alcool de betterave et d'eau, suivant une recette tenue secréte. (entendu à la télé).
En plus de ma citerne de mélasse, je peux me dégourdir les jambes en faisant la tournée de graissage d'une pompe à vide et d'un compresseur d'air. Ce travail n'est pas une sinécure, mais a de bons côtés. Par exemple, en fin de semaine, il n'y a pas de livraison de mélasse, et pour le poste de la nuit mon chef d'équipe, m'envoie me coucher, après le casse croûte, dans un coin bien au chaud et fait ma corvée de graissage. Il vient me réveiller une heure avant la relève de 5 heures. Le rythme des postes change suivant l'horaire : le matin de 5 à 13 heures, est celui qui passe le plus vite, il y a d'avantage d'animation : à partir de 8 heures, les équipes de jour prennent leur poste, puis arrivent les livraisons de mélasse, je suis alors occupé, le temps passe plus vite et à 13 heures c'est la fin du service. L'après midi, le poste est plus lassant, les livraisons sont pratiquement terminées, on attend la fin de la journée, l'équipe de jour quitte vers 18 heures, et il faut encore attendre 3 heures pour être libéré. L'été arrivant, le jour se lève vers 4 heures, et cela nous permet d'aller prendre l'air à l'extérieur des bâtiments et de rendre visite à la cartonnerie qui existe sur le même site ainsi qu'une fabrique de couverture de toit : "L'Onduline", qui est envoyée dans les pays que l'on dit sous développés aujourd'hui. Elles travaillent également en 3 X 8.
La campagne de distillation terminée, nous travaillons en horaire normal de jour. C'est la période d'entretien ; il faut démonter la colonne de distillation et les tuyauteries annexes, tout le matériel est lavé, réparé, remonté. Les cuves de fermentation lavées et mises en eau pour ne pas se dessécher, et comme on arrive en été, on s'y baigne en fin de journée.

Cherchant un travail plus lucratif, je démissionne pour entrer dans une petite entreprise de moulage de matière plastique où je ne reste pas longtemps, une fausse manoeuvre sur une machine me valu de passer à la caisse. J'entame alors ma seule et unique période de chômage qui sera de courte durée.

Mon premier employeur, Geogeo, me prend en extra comme monteur électricien pour l'équipement d'une maison de garde forestier. En plus, je dépanne et améliore, chez moi, des postes de TSF, pour des connaissances.

En dehors de la sucrerie, je suis entré en relation avec un artisan électricien, André Malard, qui finit par me prendre à temps plein comme dépanneur radio et monteur électricien en bâtiment et industrie.
Comme quoi il ne faut jamais désespérer . J'arrive enfin à faire le métier que j'ai toujours voulu exercer. Je suis resté chez lui de 1950 à 1955.
Mon premier travail est l'installation d'un groupe électrogène au silo de Pithiviers avec la ligne le raccordant au tableau BT. Puis, les souris ayant dégradé le tableau de commande automatique, j'ai à en reprendre le câblage ; j'effectue ce travail la nuit et tout doit marcher pour la reprise le matin. Plus tard, j'effectuerai l'installation d'une nouvelle tranche de cellules métalliques et d'un séchoir à grains qui aujourd'hui ont été remplacés par une nouvelle construction en béton.

Je fais des installations dans des habitations, et surtout dans des établissements industriels : biscuiterie, pain d'épices, pâtes alimentaires Gringoire ; engrais, savonnerie Boucheny ; le silo déjà cité : à Pithiviers. La laiterie coopérative de Corbeilles en Gatinais où je vais tous les ans pendant un mois avec un jeune pour des travaux de rénovation et l'entretien des installations électriques. Le Nanan produits alimentaires des animaux à Puiseaux. Biscottes Grégoire à Levallois. Biscuiterie et biscottes Grégoire à Orléans et deux patisseries : les Musardises d'Orléans et celles de Bretagne à Rennes, où j'ai connu la première femme de SIM vendeuse dans cette pâtisserie.
J'apprends beaucoup sur le tas, câblage d'armoires de commande, installation de machines complexes, etc... Installations de pavillons et d'appartements. Et bien sûr des dépannages radio dans un petit atelier au fond du jardin des parents du patron, qui célibataire vit encore avec eux. Son père était surnomé "Delmotte" parce que pendant la guere de 14 il avait été le mécanicien de ce pilote.

Nous sortons peu et pour aller à la Bussière chez mon beau père, nous avons des vélos moteurs, les 2 garçons dans une remorque de ma fabrication et la fille sur le porte bagages avec Madeleine.

Au cours de ces années, je retrouve le directeur de l'APAVE qui me pousse à passer le CAP d'électricien.
Au printemps 1945 je suis en déplacement sur un gros chantier à Ferrières en Gâtinais avec un jeune apprenti. Je passe mes soirées à préparer ce CAP potassant les livres du niveau BEP et je passe cet examen à Orléans, fin juin 1955, et je réussis avec mention bien. Pour les épreuves écrites, les candidats sont placés devant de grandes tables par profession : un électricien auto, un électro-mécanicien, un bobinier etc ... et ainsi à chaque table ; les épreuves manuelles se font sur mur. J'ai passé l'épreuve sportive, avec les jeunes candidats de Pithiviers, malgré mes trente ans, alors que je n'y étais pas obligé.

Monsieur Marais, ingénieur également à l'APAVE, que j'accompagne lors de ses visites de contrôle à l'usine d'engrais m'a enseigné bien des choses qui m'ont servi par la suite, il me conseille de quitter Pithiviers si je veux avancer dans ma carrière. Monsieur Loiseau, contre-maître de la laiterie, m'incite aussi à quitter le Loiret pour progresser dans le métier.
Je ne regrette pas d'avoir suivi leurs conseils. Je perds mon temps en restant à Pithiviers qui n'ouvre pas de débouché. Depuis, la ville a créé une zone industrielle importante.

Au mois de juillet, ayant mon diplôme en poche, je trouve dans les petites annonces une place dans une société d'Aubusson (MEMC) pour travailler sur la région parisienne. Je demande deux semaines de vacances à André Malard pour effectuer un essai sur le chantier de la MEMC à la régie Renault à Flins, essai que j'avais proposé, suivant les conseils de monsieur Loiseau.
Cet essai donnant satisfaction je suis embauché,à des conditions satisfaisantes, mais pénibles à exécuter ; de toutes façons je considère cet emploi provisoire comme tremplin devant me servir à trouver mieux sur place, soit chez Renault soit dans une autre entreprise.
Quand je fais part de ma décision à André Malard, il me propose l'augmentation qu'il m'avait refusé un mois avant. Trop tard !

Je suis affecté sur le chantier de la RNUR à Flins. Le chef de chantier, un petit fort en gueule s'appelle Charlot. Le travail est pénible, Il faut faire, de la serrurerie, de la soudure électrique et de l'électricité bien sûr, toujours plus vite, 10 heures par jours, 7 jours par semaine, un week-end de repos par mois. Madeleine et les enfants sont toujours à Pithiviers. Je pars de Flins le samedi à midi et je rentre le dimanche soir pour être à l'heure le lundi matin sur le chantier. Je m'en sors, vu le nombre d'heures effectuées et les frais de déplacement en plus. J'étais en pension chez un copain travaillant à l'usine.

J'étais loin des 35 heures actuelles, et vous devinez ce que j'en pense aujourd'hui !!

Au cours du mois de décembre, je trouve un nouvel emploi dans une entreprise de Paris (Ets. Lebrec), par l'intermédiaire du chef de chantier de cette entreprise qui conduit une équipe à la RNUR.
Je suis envoyé sur le chantier de la Cellophane à Mantes-la-Ville, ( cette usine n'existe plus depuis plusieurs année) où je commence le 2 janvier 1956. Le travail est plus technique, mieux payé, avec des frais de déplacement plus importants, et, surtout une semaine de 48 heures. Je rentre à la maison tous les 15 jours.
J'ai une chambre dans un petit hôtel et je prends mes repas avec les copains de travail dans un restaurant « Chez Edouard
». C'est la fille du patron qui fait le service. Elle a un chat qui vient toujours nous ennuyer à table. Un jour, nous lui arrangeons son affaire, je le prends sur mes genoux, lui relève la queue et un copain lui passe le trou de balle à la moutarde. Quel travail ! le chat repart comme une fusée à travers la salle, et la fille qui n'a rien vu se demande encore pourquoi aujourd'hui !
J'ai du travail intéressant, câblage d'armoire électriques, installation de machines pour la fabrication de la cellophane, et, surtout en commun avec le laboratoire d'essais l'équipement des maquettes de machines pour de nouvelles fabrications. Parfois le travail est pénible, en chaufferie et dans les ateliers de fabrication de la pellicule et de son vernissage où la température est élevée. Dans la chaîne de fabrication, il y a des produits dangereux tel que la soude liquide, le chlore pour faire de l'eau de Javel, et surtout le sulfure de carbone explosif et toxique.
Des employés sont morts asphyxiés en nettoyant un égout. Les cuves stockant ce produit sont immergées. La terre à l'endroit où s'effectue le dépotage des wagons citernes en est saturée et un jour où je suis occupé à creuser une tranchée pour passer des câbles, l'étincelle produite par un coup de pioche sur un silex produit une petite explosion.

Dans le premier semestre de l'année 1956, je réponds à une demande d'embauche restée en suspens à la RNUR. Convoqué à Flins, le contremaître du service entretien qui me connait, (j'ai travaillé pour lui étant à la MEMC) m'annonce que je peux, après essais, être pris comme P1. Je lui explique qu'étant donné ma situation en déplacement, ma famille étant encore à Pithiviers, j'espère entrer P2, et je lui demande à passer l'essai pour cet échelon. Il accepte sur mon insistance et le temps de traverser l'usine pour revenir au bureau du personnel, la convocation pour l'essai au siège de Boulogne Billancourt était prête.
J'ai été reçu par un ingénieur qui m'a questionné une heure sur le courant continu, et une sur le courant alternatif. A la fin il me dit : « C'est bon, pour P2, revenez me voir dans six mois pour passer P3 ».J'étais heureux.
Dans les années 50, il y avait du travail, on changeait facilement d'Entreprise. J'annonce la nouvelle à mon conducteur de travaux en lui laissant entendre que si ça ne marchait pas, je reviendrais bien chez Lebrec, et j'entre à la RNUR.

Au premier abord, le contact avec les collègues de travail n'a pas été des meilleurs, une certaine jalousie de me voir arriver P2. J'aurais aimé travailler sur les presses à emboutir, les ponts roulants ou les fameuses machines transfert mais on m'a mis sur les soudeuses par point en tôlerie. Il y avait également une machine transfert multipoint pour l'assemblage de châssis mais je n'y étais pas affecté. Je passais ma journée à attendre qu'une machine tombe en panne pour avoir de l'occupation, et quelle occupation ! les mains dans l'eau, l'huile, et bien sur l'électricité, le vrai boulot dég.... Je commençais à déchanter ! Un jour, une panne sur la soudeuse multipoint : un ensemble qui s'ouvrait et se refermait sans arrêt stoppant le cycle de la machine. Les collègues, en général plus jeunes que moi ne trouvaient pas. Je regarde le schéma déplié pour l'occasion et me tournant vers eux après quelques minutes d'observation, je leur dis : « Regardez donc le contact, là , il doit-être déréglé » J'avais vu juste, d'où nouvel rancune envers moi.
Sur ce, ma femme étant malade je dois rentrer à Pithiviers en urgence. Après réflexion, je ne me vois pas continuer à la RNUR. Je contacte alors la Société Lebrec qui me reprend aussitôt pour Mantes, où je suis resté jusqu'au 24 décembre 1963.

Quand je vois fin 56 que l'emploi est stable, je fais venir ma petite famille. Nous avons acheté un pavillon à Limay. Je suis assez bricoleur, un électricien doit savoir faire beaucoup de choses.
Je m'attaque à des travaux de maçonnerie pour agrandir ce logement : des WC et une salle d'eau qui manquent pour le confort. Je creuse un puisard, termine un garage inachevé et construis un
poulailler, oui, oui, un ami m'ayant mis l'idée en tête en voyant la place dont je dispose. J'ai tout réalisé, le bâtiment, les mangeoires, l'abreuvoir automatique, etc ... et des clapiers pour les lapins et également des pigeons. Notre chef de chantier est très compréhensif, il nous donne la permission de bricoler à la baraque de chantier après le travail, on peut utiliser l'outillage pour faire notre travail. En plus, ayant toujours fait de la radio, je tâte à la réception d'amateur et je capte le Bip Bip du premier Spoutnik. Dans la cave, j'avais un circuit de train électrique que les garçons n'avaient pas le droit de toucher. Nous avons des Solex pour nous rendre à notre travail et nous déplacer.

Sur le chantier, nous récupérons toutes les chutes de câble lors des modifications dans l'usine et très officiellement, le chef du service achats nous signe un bon de sortie. Notre chef en tête, nous décortiquons les câbles et brûlons le cuivre pour le débarrasser de son isolant. Le récupérateur vient chercher la marchandise à la baraque du chantier et le produit de la vente est réparti entre les membres habituels de l'équipe, c'était notre argent de poche.

En plus de la Cellophane, j'aurai l'occasion de travailler sur les premières armoires à commandes numériques du constructeur automobiles SIMCA, sur place à Poissy, et à l'atelier de l'entreprise Lebrec à Argenteuil où j'irai plusieurs fois en renfort pour des câblages urgents d'armoires.

Mon patron, Monsieur Lebrec m'avait emmené en voiture avec un jeune chez un client important pour faire des travaux dans sa maison de campagne. Pendant le trajet nous avions fait ample connaissance.
Un peu plus tard je passe chef d'équipe et reviens ainsi à mon échelon au départ de Pithiviers.
Monsieur Lebrec céde son entreprise et nous avons une nouvelle direction,

Plus tard, fin 1963, voulant évoluer dans l'entreprise, je demande à mon conducteur de travaux de me confier la responsabilité d'un chantier. Pour cela, je dois me rapprocher de Paris. Nouveau déménagement pour Houilles. Là, j'ai eu encore à faire des améliorations, carrelage dans la cuisine, chauffage avec passage au fioul d'une cuisinière à charbon, (astuce du Système D) stockage du fioul avec des fûts de 200 litres accouplés et une pompe qui montait le fioul dans un réservoir à l'étage pour alimenter un poêle et la cuisinière par gravité. L'air chaud était capté sur le poêle et un ventilateur le pulsait vers les 3 chambres par une gaine en agloméré.
Peu après notre arrivée à Houilles, une deuxième fille, Pascale est née, en novembre 1963.

En décembre, un désaccord avec l'entreprise survient, on ne peut plus me passer chef de chantier et je dois rester à Mantes. Comme je ne veux plus faire la navette tous les jours, je reprends les petites annonces et je change de société.

Je me présente à l'entreprise FONTELEC, à Levallois. Aprés un long entretien avec le directeur, il m'embauche agent technique électricien ; je gravis un échelon en passant ETAM . Je dois assister un conducteur de travaux dans ses activités auprès d'une entreprise frigorifique pour laquelle nous réalisons les armoires de commandes et les raccordements électriques des meubles, chambres froides et laboratoires dans des supermarchés. Il y a 2 équipes de monteurs et je passe derrière pour les réglages et les essais avec le client. Je fais également des installations complètes avec un monteur.
Je passe mon permis de conduire car je dois avoir une voiture pour me déplacer. Je suis allé à Mulhouse, Nancy, Metz et bien entendu dans la région parisienne avec une dodoche commerciale.
Peu après mon conducteur de travaux quitte l'entreprise pour travailler à son compte pour le client frigoriste. J'ai alors été occupé à des travaux divers et à du câblage en atelier.
Un jour, le directeur me convoque à son bureau et me propose un chantier en déplacement pour réaliser en sous traitance l'installation électrique de la climatisation de la nouvelle annexe de la Caisse des Dépôts et Consignation en construction à Angers. J'accepte aussitôt.
Pour effectuer ma mission, une entreprise d'Angers me fournit les ouvriers dont j'ai besoin. Pour moi c'est un travail intéressant et bien dans mes cordes. Une autre équipe Fontélec était sur la partie haute tension, le tableau de distribution basse tension et les groupes électrogènes. Une entreprise locale faisait l'installation dans le bâtiment.
L'entreprise de climatisation, Sulzer, avait sur place un chef de chantier très compétent (Gérardin). Il m'apprendra des petites combines qui me serviront par la suite. J'étais contrôlé dans mon travail par un technicien L... metteur au point qui ne se prenait pas pour rien .., il n'y avait que lui qui connaissait le travail ! Quand il est venu faire les essais, j'avais déjà procédé à tous les réglages et j'avais fait mes propres essais, je savais que tout fonctionnait bien.
Le chantier terminé, j'ai appris que Sulzer espérait avoir un contrat d'entretien et aurait besoin d'un agent technique sur place. Trouvant Angers très agréable, je propose à ma femme d'y venir si j'obtiens le poste et je pose ma candidature pour cet emploi. Même pas besoin d'envoyer un CV à l'époque, c'était sur parole, et mon travail avait été apprécié. Là j'ai dû signer mon premier contrat de travail, à 41 ans ! ETAM, chef de conduite nouvelle promotion.

Le directeur de FONTELEC m'a laissé partir sans me proposer un Kopec de plus pour me garder, pas content après Sulzer qui, pensait- il à tort, m'avait débauché.

Nous voilà parti à Angers au mois de juillet 1966. Pour m'occuper, j'ai mis en peinture toutes les canalisations et les gaines de la salle des machines et de la chaufferie. Un employé du service entretien de la Caisse mettait l'installation en route le matin et je prenais le relais à 8 heures, je prenais mon repas de midi au restaurant d'entreprise et j'allais à mon domicile avant de reprendre mon travail de 14 heures à 18 heures. Le samedi, je faisais les travaux d'entretien. Je m'étais bien organisé et j'avais de bons contacts avec le client.
Tous les les mois, j'avais la visite d'un inspecteur Y.R... de la Sté. Sulzer, et tout allait pour le mieux.
En 1968, Madeleine a voulu revenir sur Paris. Entre temps nous avions appris que notre petite dernière était trisomique, et elle pensait que nous trouverions plus facilement un établissement pour cette enfant dans la région parisienne.

J'en parle à mon inspecteur , Y.R. qui est d'accord pensant me confier une installation importante avec une dizaine d'employés sous ma coupe et une promesse d'avancement au bout d'un an si je m'en sorts bien.
Nous déménageons pour Eaubonne et je prends en charge la conduite d'un immeuble administratif du CL à Levallois, (à 2 pas de mon employeur précédent et de l'usine Gringoire où j'étais venu en déplacement de Pithiviers). Y.R... me prévient qu'il y a deux fortes têtes dans l'équipe et qu'il est persuadé que je les renverrai avant 6 mois. L'un l'a été pour avoir refusé d'aller en renfort sur une autre installation, mais, l'autre Y.P., ancien quartier maître de la marine qui suivait les cours du soir aux Arts et Métiers, ne l'a pas été. Il m'a dit un jour qu'il était temps que j'arrive sur l'installation. Mon prédecesseur, ne s'occupant que de la propreté des locaux, du matériel et des dépannages, mais aucun travail d'entretien préventif. Plus tard j'ai misY.P. chef de conduite à la banque Rothschild.
Après 1 an je suis passé inspecteur assimilé cadre, ce qui dans le bâtiment équivaut à conducteur de travaux ; je gravis encore un échelon. J'ai plusieurs installations sous ma coupe : banque Rothschild , CL, CCF, immeubles de bureaux et de logements. J'ai un véhicule de fonction pour assurer mes déplacements, et je vais également en province. (Angers : CDC ; Tours : CL ; Châteauroux : EDF ; Reims : CCF ; Orléans : Sandoz ; Sandouville : Lafarge).

En 1972 ma femme gravement malade est hospitalisée du mois de juin au mois de décembre à l'hôpital Cochin. L'année suivante nous allons passer les vacances dans le Gard où un collègue de travail me prête sa maison de villégiature. De là, nous visitons le Gard et nous faisons une escapade à Grasse, pour lui montrer la maison où je suis né, "Les Oliviers" ainsi que la côte d'azur. Nous y retournerons deux fois les années suivantes.
Les Oliviers qui sont devenus "Notre Dame des Missions" ont été rachetés pendant la guerre par les pères du St. Esprit, les mêmes qui gérent les apprentis d'Auteuil en 1941- 45, ils ont redonné à la maison sa vocation d'origine, et ils l'ont agrandie par l'acquisition d'une maison voisine, le jardin a été complètement transformé.

Les garçons ne voulant pas faire d'études quitteront l'école et entrerons en apprentissage. La fille ainée fera l'école Pigier et entrera dans une filiale du CIC.

Pendant ce temps que devient Pascale ? Arrivé à Eaubonne, elle va deux heures par semaine à l'IME de l'association du Colombier à Enghien. Pendant la maladie de sa mère, elle est en nourrice sur Eaubonne mais on doit la changer, nous nous sommes aperçu qu'elle est mal traitée parce qu'elle n'est pas encore propre. A force de chercher, nous trouvons un placement dans la banlieue de Namur chez des religieuses. Nous allions la voir une fois par mois, en partant le matin vers 5 heures pour arriver à Namur à midi. Nous apportions notre repas et nous déjeunions dans une petite pièce que les religieuses mettaient à notre disposition. Le soir nous revenions par Lille et nous dinions chez ma cousine Jacqueline, puis nous rentrions à Eaubonne vers les 3 heures du matin. Pascale y restera plusieurs mois, puis la Sécu nous imposera de la ramener en France à Salbris dans un établissement où elle est dans les plus handicapées. Après nous obtenons une place en internat au Colombier dont j'occuperai un poste d'administrateur de l'association. Après quelques années nouveau changement pour un IME, à Sens où elle a fait de petits progrès. Nous allions la voir tous les 15 jours. Avec l'âge il a fallu passer de l'IME à l'IMPRO à Osny près d'Auvers où nous sommes depuis peu. Nous la prenions tous les week-ends et aux vacances il fallait lui trouver une place dans une colonie spécialisée. Puis, une fois de plus en 1983 il faut changer de structure et passer au CAT à Gouvieux près de St Germain en Laye.

En 1974, nous déménageons une fois de plus pour nous installer à Auvers sur Oise, dans une copropriété comportant 120 pavillons : "le Hameau de Montfleury". Notre déplacement à Auvers n'arrangeant pas nos trois grands, ils trouveront à se loger sur Paris et prendront leur indépendance.
Dans ce hameau, nous occuperons successivement deux pavillons dans lesquels je ferai dans le premier : un labo photo et une cheminée. Dans le second : un labo photo, une cheminée un barbecue, une cave à vins, le carrelage du séjour, de la cuisine et de l'entrée. Mes réalisations.

En 1976, nous avons rejoint notre fille Danielle, qui était en Angleterre et nous avons fait le tour du royaume unis en B & B. Les Anglais sont charmants et nous avons toujours été bien reçus.
Nous avons également fait des séjours chez des amis à St. Malo.

Les années passant, il a été question chez Sulzer, de moderniser la procédure d'entretien des installations en mettant tout ça dans un ordinateur. Mon ancien équipié du CL. : Y.P... qui vient d'obtenir son diplôme d'ingénieur des A.M., passe ingénieur maison et entre à la direction de la société. Il est désigné pour prendre la tête du projet. Après un stage avec les informaticiens de la maison mère, il a tout mis en place : relevé du matériel des installations en charge et programmation des travaux d'entretien pour chacune, avec édition d'un listing périodique.

En tant qu'inspecteur, je devais surveiller mes installations, approvisionner le matériel, entretenir les relations avec les clients et les fournisseurs, faire le relever des heures de mon personnel pour les paies. Suivre des stages de perfectionnement et en plus, je faisais des photos d'expertise. Avec la nouvelle méthode, il fallait faire le relevé du matériel des nouvelles installations pour les mettre sur informatique, pendant que Y.P. restait derrière son bureau. Cela commençait à bien faire et avec des collègues de mon âge, pas question de faire ces inventaires pour l'informatique. Dans ces conditions,en février 1982, la mise en préretraite nous a été proposée. Les derniers mois d'activité ont été très relaxes ; mon remplaçant étant assez pressé d'agir seul je ne l'ai pas contrarié et j'ai pris un peu de bon temps, fini les heures sup faites pour le remplacement des postes de nuit dont le vacataire était malade et prévenait au dernier moment. Le lendemain je devais faire ma journée normale. L'affaire de notre départ traîne en longueur l'entreprise hésitant sur la façon d'opérer, je suis sur les nerfs jusqu'en octobre 1982 où la procédure de licenciement est enfin décidée.

En 1982, Dominique et Danielle se son mariés, l'ainé étant déjà avec une compagne.

A la réunion de concertation avec le chef du personnel, nous étions assistés par le délégué syndical CGT . Nous devions parler des modalités du licenciement. Nous étions 2 inspecteurs, un chef de conduite, et deux ouvriers. Voilà qu'au début de l'entretien, le délégué CGT prend la parole. Bien entendu il demande que nous ne soyons pas licenciés. Je lui coupe aussitôt la parole pour lui faire remarquer que nous étions tous d'accord pour partir en préretraite et que nous étions assez grands pour défendre nos intérêts. Le chef du personnel riait sous cape. Le reste de l'entretien s'est bien passé et je me suis trouvé dés le mois de novembre en congé de licenciement et préavis jusqu'au 28 décembre 1982 date fixée pour notre départ.

 

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