En campagne 20 novembre 1914.
Cher petit père.
Depuis 3 jours nous avons changé de place et nous sommes
maintenant en pleine forêt
de l'Argonne. Les tranchées de ma Cie. se trouvent
à 600 mètres de l'ennemi ; certaines Cies. ne sont
qu'à 60 mètres. Rien de particulier et nous restons
naturellement sur nos positions. Nous nous contentons de tirer
sur des points bien repérés lorsque nous y voyons
passer des boches, et c'est plutôt du tire à la cible.
Toute la nuit les balles sifflent.
Je suis à l'infirmerie pour 48 heures car j'ai été
très fatigué par la vaccination antityphique qui
m'a occasionné de la fièvre et un abrutissement
général... J'en ai profité pour me faire
extraire un éclat de mitraille que j'ai reçu avant
hier à l'épaule, provenant d'une grenade qui a éclaté
à 5 mètres derrière nous ; cela c'est très
bien passé car ce n'était pas pénétré
très loin ; l'éclat a environ 1 centimètre
carré et pèse 2 à 3 grammes, ce nest donc
rien. Je compte rejoindre la tranchée demain soir. Il commence
à faire froid. Là où nous nous trouvons nous
sommes plus exposés qu'auparavant, mais que veux-tu c'est
la guerre et cela ne se fait pas dans un fauteuil. Continuons
à espérer. Rien d'autre pour aujourd'hui.
Je t'embrasse...
Louis
21 nov. 8h. Je viens de me lever, la nuit a été
tranquille, je suis tout à fait reposé et je vais
rejoindre ma Cie. dans l'après midi.