- Le 8 janvier
1914 : Je suis à Drama
et j'espère être à Salonique dans 4 ou 5 jours.
Depuis Sofia, je suis allé à Constantinople où
je suis resté 30 heures juste pour le 25 décembre.
Au retour j'ai eu la déveine de perdre 24 heures à
cause de la rupture d'un pont par une inondation. J'ai voyagé
l'autre jour avec André Duboscq, correspondant du Temps,
je repars avec lui demain. Il va m'interviewer sur la situation
des pays que je viens de traverser.
J'ai passé la nuit du réveillon en wagon lit et
le 1er janvier chez l'agent consulaire de France à Dédé-Agatch.
Il m'a raconté toutes les atrocités des Bulgares.
Ils ne veulent pas reconnaître les consuls à Dédé-Agatch,
ils ont même forcé le consulat à descendre
le pavillon, ce qui créa un incident dans lequel nous eûmes,
naturellement, satisfaction.
Il y a, à Dédé-Agatch, un incendie qui brûle
encore aujourd'hui depuis 6 mois, c'est un magasin qui contenait
des grains et farines.
- Le 1 8 janvier 1914 : Je serai à Belgrade, (hôtel Moskowa), du 20 au 25 probablement puis du 25 au 31 à Uskuk (EOB). Je pense rentrer à Salonique le 2 ou 3 février.
- Le 26 janvier
1914 : C'est sans doute mon
dernier voyage à Belgrade, aussi en ai-je profité
pour y rester quelques jours de plus en vue de me reposer un peu.
J'ai fait des belles promenades, en voiture et en traîneau
le matin et l'après midi, le soir théâtre
ou cinéma. Je quitte demain ce pays dont je garderai un
bon souvenir. Les gens sont sympathiques et aimables et le seul
fait d'être français vous assure une bonne réception
partout. Je me trouve bien mieux ici que chez les bulgares qui
ne sont que de vulgaires brutes. Le voyage en Thrace, bien que
très intéressant, ne fut pas très agréable.
J'ai voyagé avec le correspondant du "Temps"que
j'ai retrouvé à Drama, en Grèce, où
nous sommes allés au théâtre. On jouait un
drame, mais on a failli y mourir de rire. D'abord, la salle grande
comme un mouchoir de poche, malgré cela une rangée
de loge dans lesquelles nous n'osions bouger de peur de nous effondrer;
dans la salle, en plein milieu, un petit poële autour duquel
se chauffaient quelques malheureux spectateurs. Comme éclairage
quelques lampes fumeuses dont 2 sur la scène. Or, voilà
qu'au beau milieu d'une tirade émouvante, l'acteur s'aperçoit
qu'une lampe file ; il prend une chaise, y monte et baisse la
mèche tout cela sans interrompre sa tirade ! voyez un peu
le tableau !! C'était à se pouffer et nous ne nous
en sommes pas privés. C'était la note gaie. Par
contre , nous avons eu la note triste, c'est à dire la
constatation des ravages causés par la guerre. J'ai vu
encore de nombreuses tranchés, puis des champs de bataille
sur lesquels traînent des lambeaux de vêtements, linge,
képis, cartouchières, etc. Sur toute la ligne, de
nombreux villages détruits. entre autres, Suris, ville
importante de 50 000 habitants dont les 3/4 ont disparus, 4 225
maisons furent incendiées par les Bulgares, c'est lamentable
et cela m'a tant écoeuré que je n'y suis resté
que 2 jours. Je vais rentrer à Salonique, sans bouger,
pendant 2 ou 3 mois. J'espère ensuite rentrer à
Constantinople. J'en profiterai pou passer à Athène
où je suis invité à rester quelques jours.
J'espère pouvoir aller en France cette année mais
il ne faut pas faire de projets trop lointains
- Le 28 janvier
1914 : Je suis arrivé
à Uskuk, ce matin où je suis plus occupé
qu'à Belgrade. Je pense aller faire une période
cette année-ci avec mon deuxième galon mais je ne
sais pas encore à quelle époque. Je tâcherai
que ce soit pour les manoeuvres, car ainsi je pourrai aller à
l'île d'Yeu. Est-ce que les choses vont si mal en Europe
pour que tu me dises que des officiers envisagent la guerre ?
Non , je ne parle ni Bulgare ni Serbe, mais je commence à
comprendre un peu. Si je restais quelques mois à Belgrade,
j'apprendrais assez vite.
- 12 février 1914 : Mon colocataire va se marier et désire récupérer la totalité du logement, il faut que je trouve une solution pour récupérer mes meubles si je trouve une autre location, ou les vendre.
- Le 27 avril
1914 : Il faut continuer à
m'écrire à Salonique car mon départ qui devait
avoir lieu demain est encore retardé.
Je pars dans quelques jours pour 3 ou 4 semaines à Thrace,
à l'ouest d'Andrinople.
- Le 20 mai
1914 : lettre
à son frère. Lettre écrite
sur le bateau de Salonique à Smyrne.
J'ai dû t'envoyer des nouvelles de Sofia. Depuis je me trouve
en Thrace Bulgare où les affaires marchent mal. Je pensais
ne rentrer qu'à la fin du mois, mais j'ai été
rappelé par télégramme. Arrivé à
Salonique le 17, je me suis embarqué le 19 pour Smyrne
où je vais remplacer le directeur partant en congé.
Je vais y retrouver des amis et la vie y est plus gaie qu'à
Salonique. Directeur de Smyrne pendant 2 mois est un excellent
filon, cela prouve que je suis bien vu de la direction de Paris.
Je ne peux aujourd'hui fixer la date de mon départ pour
la France car je serai peut-être retardé.
- Le 11 juin 1914 : Mon intérim à Smyrne dérange mes plans car j'avais songé partir fin juillet pour passer août à l'île d'Yeu et septembre aux manoeuvre, et octobre à Champagne. Je vais demander à être convoqué en octobre ou novembre pour embarquer fin août. Ceci est à fixer dans quelques temps lorsque j'aurai obtenu mon congé et quand je saurai la date de ma convocation.
- Le 27 juillet 1914 : J'ai reçu une convocation pour ma période militaire en novembre. Peut-être pourrais-je obtenir un congé à cette époque.
- Le 6 août 1914 : la France vient de déclarer la guerre à l'Allemagne. Louis quittera Salonique à bord du paquebot "Saghalien", pour rejoindre son régiment à Fontainebleau, . Il termine alors sa carrière aux EOB, fondé de pouvoirs, comme son père.