4 novembre 1914.

Cher petit père.
Nous sommes toujours dans les bois et les tranchées que nous creusons toutes les nuits. Voici déjà 17 jours de suite que nous passons aux avant-postes et il n'est toujours pas question de nous relever. D'habitude, les régiments de la division se relèvent tous les 4 jours et l'on passe ainsi au repos à l'arrière pendant une huitaine de jours. Or depuis quelques temps, par suite de piston plus ou moins fort qu'ont les officiers des autres régiments, ils obtiennent de rester en réserve, et c'est malheureusement ce pauvre 46 ème qui trinque toujours. Le 76e, en particulier est au repos depuis 6 semaines, c'est curieux tout de même de voir comme tout cela marche. Les 28 et 29 octobre l'ordre fut donné d'attaquer Vauquois et naturellement ce fut le 46e qui trinqua. Ce fut, à mon avis ainsi que de l'opinion de tous, une grosse bêtise de notre part d'attaquer une telle position où l'ennemi se fortifie et se retranche depuis plus de 6 semaines.
En effet le résultat fut nul et cette affaire coûta à un de nos bataillon 200 hommes hors de combat ; plus les pertes d'un bataillon du 89 ème auquel on avait fait occuper une position stupide et intenable où presque tous se sont fait massacrer par l'artillerie. Nous continuons donc de temps en temps nos bêtises et cela, probablement pour la gloire recherchée de quelques généraux pour lesquels la vie des hommes ne compte pas. Enfin on s'est tout de même rendu compte que notre attaque avait échoué et l'on a décidé de s'en tenir à occuper nos positions. Et en attendant, c'est toujours le 46e qui est en première ligne. Tout est revenu calme depuis l'attaque de Vauquois, sauf, de temps en temps la nuit, une fusillade déclenchée en général par des patrouilles qui se rencontrent. Le jour, c'est l'artillerie qui donne. Il serait idiot de vouloir s'emparer de Vauquois car, à peine y serions nous que nous subirions les effets de l'artillerie ennemie de Montfaucon. Il est donc préférable d'attendre que, menacés sur leur flanc droit, ils veuillent bien s'en aller, ce à quoi ils seront forcés un jour où l'autre à la suite de la marche de notre aile gauche. Bref tout cela est bien long et l'on commence à être fatigué de cette attente.
J'espère toujours que tu auras écrit à monsieur Guist'hau pour qu'il obtienne de me faire mettre à l'état major anglais ce qui serait bien plus intéressant.
Heureusement qu'il ne fait pas encore trop froid ; nous construisons des maisons souterraines .

Je t'embrasse......
Louis

Lettre suivante

Retour la guerre

Plan du site

 

©Yves SALMON mars 2001
Tous droits de traduction, de reproduction
et d'adaptation réservés pour tous pays.